samedi 29 décembre 2012

Admiration et paresse


" ça va ; mais je me sens un peu hébété par la
dispersion, ou plutôt par la concentration 
que j'ai gardée ces derniers mois au sein d'une 
dispersion excessive. Je crois que la grande
paresse est bien plus féconde que le travail,
après expérience. Je n'ai eu le temps de rien
admirer à loisir. Et c'est ça, sans doute, la pire
stérilité."

A. Vialatte à J. Paulhan, 22/07/1930

vendredi 28 décembre 2012

Parole de traducteur

"Je crains que ma dernière lettre [...] ne vous [ait] choqué [...]; je serais fâché que vous puissiez interpréter ma dernière lettre comme une exigence indécente et non comme la simple demande de renseignement qu'elle est en réalité.
Excusez-moi, si je me trompe, d'avoir le cerveau si compliqué. Je ne tiens qu'à peu d'amis et plus il va, plus je crois que chaque mot contient toujours un malentendu. Ce qui arrive à des silences pires."

in lettre d'Alexandre Vialatte à Jean Paulhan, 22 juillet 1930

samedi 15 décembre 2012

"La société du spectacle a rencontré la célébration du meurtre"

Si peu de temps après que Mohammed Merah ait tiré sur une  école-collège à 500m de chez moi, la tuerie de Newton ne peut que faire écho en moi. On me dira: "c'est très différent, Merah avait des motivations idéologiques". Non, ce n'est pas très différent. Qu'ouvrir le feu sur des gamins dans une école puisse être, pour un individu, une réponse à quoi que ce soit -- une vision politique, un déséquilibre intérieur, une haine dévorante, un besoin de reconnaissance, que sais-je encore -- est un problème en soi, un problème identique, un symptôme de (dé-)civilisation. Le "jeune homme français issu de l'immigration" et son milieu de banlieue populaire moderne, le petit WASP du Connecticut, le blond enfant de divorcé plus au moins chrétien, plus ou moins schizophrène, de Norvège, l'étudiant coréen de Virginia Tech, tous ont quelque chose en commun: ce qui les pousse à l'action totalement individuelle d'aller tirer dans le tas sur des enfants ou des jeunes qu'ils ne perçoivent pas comme des individus.
Ce ne sont pas les seuls à "tirer dans le tas", ce ne sont pas les seuls à tirer sur des enfants ou des jeunes: bien des soldats (d'armées officielles ou auto-proclamées) le font. Mais, quelle que soit la position qu'on ait sur le rôle et l'utilisation de l'armée, c'est une autre logique. L'action des soldats est une action organisée, dont les buts, officiels ou officieux, sont clairement connus, l'ennemi étiqueté comme tel et qui a été justifié comme ennemi par un discours extérieur, la responsabilité assumée par les supérieurs.
Ici rien de tel. C'est l'individu qui "choisit" "l'ennemi" (une masse partiellement aléatoire) -- et ce qui pourrait le  justifier comme "ennemi" paraît totalement obscur aux yeux d'autrui, porte la seule responsabilité de l'action, dont le but lui-même semble opaque ou absent. Cette bizarre explosion de l'individu contre une société informe incarnée dans ses membres les moins responsables de son fonctionnement (enfants, lycéens, jeunes), dont il est lui-même, au fond, peut éloigné en âge (Breivik: 32 ans, Merah:  24 ans, Cho Seung-hui: 23 ans, Columbine: 17 et 18 ans, Adam Lanza: 20 ans, etc...), en quoi nous paraît-elle si "américaine"?
On trouve pourtant ce type  d'événements ailleurs, mais pas partout : Canada, Allemagne, Finlande, Chine. Et seulement plus récemment un au Japon, un en Azerbaijian. Et un au Brésil, un en France (2 avec "Human Bomb"?), un en Italie (? c'est une bombre devant un lycée), comme si "les pays latins" et catholiques, qui se cantonnaient à d'autres formes de violences jusqu'à peu, subissaient une contagion liée à la perte de leur organisation sociale.

Le titre de mon post vient de cet article:

http://www.huffingtonpost.fr/pierre-guerlain/tuerie-newtown-massacre-violences-etats-unis_b_2306173.html

dimanche 9 décembre 2012