Si peu de temps après que Mohammed Merah ait tiré sur une école-collège à 500m de chez moi, la tuerie de Newton ne peut que faire écho en moi. On me dira: "c'est très différent, Merah avait des motivations idéologiques". Non, ce n'est pas très différent. Qu'ouvrir le feu sur des gamins dans une école puisse être, pour un individu, une réponse à quoi que ce soit -- une vision politique, un déséquilibre intérieur, une haine dévorante, un besoin de reconnaissance, que sais-je encore -- est un problème en soi, un problème identique, un symptôme de (dé-)civilisation. Le "jeune homme français issu de l'immigration" et son milieu de banlieue populaire moderne, le petit WASP du Connecticut, le blond enfant de divorcé plus au moins chrétien, plus ou moins schizophrène, de Norvège, l'étudiant coréen de Virginia Tech, tous ont quelque chose en commun: ce qui les pousse à l'action totalement individuelle d'aller
tirer dans le tas sur des enfants ou des jeunes qu'ils ne perçoivent pas comme des individus.
Ce ne sont pas les seuls à "tirer dans le tas", ce ne sont pas les seuls à tirer sur des enfants ou des jeunes: bien des soldats (d'armées officielles ou auto-proclamées) le font. Mais, quelle que soit la position qu'on ait sur le rôle et l'utilisation de l'armée, c'est une autre logique. L'action des soldats est une action organisée, dont les buts, officiels ou officieux, sont clairement connus, l'ennemi étiqueté comme tel et qui a été justifié comme ennemi par un discours extérieur, la responsabilité assumée par les supérieurs.
Ici rien de tel. C'est l'individu qui "choisit" "l'ennemi" (une masse partiellement aléatoire) -- et ce qui pourrait le justifier comme "ennemi" paraît totalement obscur aux yeux d'autrui, porte la seule responsabilité de l'action, dont le but lui-même semble opaque ou absent. Cette bizarre explosion de l'individu contre une société informe incarnée dans ses membres les moins responsables de son fonctionnement (enfants, lycéens, jeunes), dont il est lui-même, au fond, peut éloigné en âge (Breivik: 32 ans, Merah: 24 ans, Cho Seung-hui: 23 ans, Columbine: 17 et 18 ans, Adam Lanza: 20 ans, etc...), en quoi nous paraît-elle si "américaine"?
On trouve pourtant ce type d'événements ailleurs, mais pas partout : Canada, Allemagne, Finlande, Chine. Et seulement plus récemment un au Japon, un en Azerbaijian. Et un au Brésil, un en France (2 avec "Human Bomb"?), un en Italie (? c'est une bombre devant un lycée), comme si "les pays latins" et catholiques, qui se cantonnaient à d'autres formes de violences jusqu'à peu, subissaient une contagion liée à la perte de leur organisation sociale.
Le titre de mon post vient de cet article:
http://www.huffingtonpost.fr/pierre-guerlain/tuerie-newtown-massacre-violences-etats-unis_b_2306173.html