lundi 23 février 2009

Petite leçon de cynisme politique

Universités: un appauvrissement programmé

Extraits du cahier 13 de l'OCDE** (1996): La Faisabilité politique de l'ajustement, par Christian Morrisson (pour le texte intégral, voir: http://www.oecd.org/dataoecd/24/23/1919068.pdf )

Etape 1:
" La réduction des salaires et de l’emploi dans l’administration et dans les entreprises parapubliques figure, habituellement, parmi les principales mesures des programmes de stabilisation. En principe, elle est moins dangereuse politiquement que la hausse des prix à la consommation : elle suscite des grèves plutôt que des manifestations [...] " (p. 29)
"Pour réduire le déficit budgétaire, une réduction très importante des investissements publics ou une diminution des dépenses de fonctionnement ne comportent pas de risque politique. Si l’on diminue les dépenses de fonctionnement, il faut veiller à ne pas diminuer la quantité de service, quitte à ce que la qualité baisse. On peut réduire, par exemple, les crédits de fonctionnement aux écoles ou aux universités, mais il serait dangereux de restreindre le nombre d’élèves ou d’étudiants. Les familles réagiront violemment à un refus d’inscription de leurs enfants, mais non à une baisse graduelle de la qualité de l’enseignement et l’école peut progressivement et ponctuellement obtenir une contribution des familles, ou supprimer telle activité. Cela se fait au coup par coup, dans une école mais non dans l’établissement voisin, de telle sorte que l’on évite un mécontentement général de la population. " (p. 30, c'est moi qui souligne)

Mes commentaires: en clair, le programme appliqué par les gouvernements successifs depuis le milieu des années 1990 (voir l'article "le budget de la recherche et de l'enseignement supérieur expliqué à Sarkozy", dans un message précédent). Quant à la dernière phrase, toute ressemblance avec la loi LRU votée l'an dernier et dont vient de sortir un décret d'application est bien entendu fortuite...


Etape 2
"Si un gouvernement arrive au pouvoir au moment où les déséquilibres macro-économiques se développent, il bénéficie d’une courte périoded’ouverture (quatre à six mois), pendant laquelle l’opinion publique le soutient [...] . Grâce à ce soutien, les corporatismes sont temporairement affaiblis et il peut dresser l’opinion contre ses adversaires. Après ce délai de grâce, c’est fini : le nouveau gouvernement doit assumer en totalité les coûts politiques de l’ajustement, car il est considéré comme le seul responsable de la situation. Il a donc intérêt à appliquer sur-le-champ un programme de stabilisation, tout en reportant la responsabilité des difficultés sur ses adversaires. Cela suppose une bonne stratégie de communication, cette stratégie étant une arme importante dans le combat politique. Il faut dès l’arrivée au pouvoir insister, voire en exagérant, sur la gravité des déséquilibres, souligner les responsabilités des prédécesseurs et le rôle des facteurs exogènes défavorables, au lieu detenir un discours optimiste et de reporter l’heure de vérité." (p. 24)

Mon commentaire : revoir le discours de Sarkozy sur la recherche et l'innovation : http://www.youtube.com/watch?v=iyBXfmrVhrk

Etape 3:
" En revanche, dès que le programme de stabilisation a été appliqué, le gouvernement peut tenir un discours plus optimiste pour rétablir la confiance (un facteur positif pour la reprise), tout en s’imputant le mérite des premiers bénéfices de l’ajustement. Il est souhaitable, par ailleurs, que le gouvernement suscite rapidement une coalition d’intérêts qui fasse contrepoids à l’opposition. C’est le complément indispensable à sa stratégie de communication et le seul moyen des’assurer un soutien durable. L’ajustement apporte des gains aux agriculteurs, aux chefs d’entreprise et aux travailleurs des industries exportatrices. Un volet social bien défini peut bénéficier à certains ménages pauvres en ville. Par ailleurs, si l’on réduit les salaires des fonctionnaires, des secteurs stratégiques (l’armée ou la police, parexemple) peuvent être exemptés."

Mon commentaire: bon, cela concerne uniquement les coupes budgétaires (sur le contexte général, voir le discours de Sarkozy l'autre soir à la télé, par ex. les réductions d'impôts pour la 1ère tranche d'imposition) . Mais on doit pouvoir étendre: V. Pécresse se targue d'avoir créé des postes dans l'enseignement supérieur ("une quizaine à Lille 2" , en en retirant à des universités "surdotées". Comme la nôtre, donc, (-6 postes cette année), qui était considérée comme une des plus sous-dotées de France... jusqu'à ce que les critères 2008 de calcul de ce ministère la rendent ... miraculeusement "surdotée"! Grâce à nous, donc, tout va mieux... (Pour écouter V. Pécresse aller sur la page suivante puis cliquez sur "Ecouter": http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/grain/fiche.php?diffusion_id=70992&pg=avenir )

Etape 4
"En principe, le risque de grève est moins dangereux. Il concerne uniquement les salariés du secteur moderne, qui ne font pas partie des classes les plus pauvres. Les grèves ne remettent pas en question le régime, comme c’est le cas lorsque les manifestations tournent à l’émeute et débordent les forcesde l’ordre. C’est ce qui explique d’ailleurs l’absence de relation statistique entre grève et répression. Le gouvernement peut toujours y mettre fin en faisant des concessions. Toutefois, les grèves comportent uninconvénient sérieux, celui de favoriser les manifestations. Par définition les grévistes ont le temps de manifester. Surtout, les enseignants du secondaire et du supérieur, en faisant grève, libèrent une masse incontrôlable de lycéens et d’étudiants pour les manifestations, un phénomène très dangereux, car dans ce cas la répression peut conduire facilement au drame." (p. 26)
" La grève des enseignants n’est pas, en tant que telle, une gêne pour le gouvernement mais elle est indirectement dangereuse, comme on l’a noté, puisqu’elle libère la jeunesse pour manifester. Ces grèves peuvent donc devenir des épreuves de force difficiles à gérer. Certes, le gouvernement peut toujours rétablir le calme en annulant les mesures qui ont déclenché la grève mais, ce faisant, il renonce à réduire le déficit budgétaire." (p. 29)
Mon commentaire: ....


**Organisation de Coopération de de Developpement Economique:
"L’OCDE regroupe les gouvernements de 30 paysattachés aux principes de la démocratie et del’économie de marché en vue de :
Soutenir une croissance économique durable
Développer l’emploi
Elever le niveau de vie
Maintenir la stabilité financière
Aider les autres pays à développer leur économie
Contribuer à la croissance du commerce mondial"

(http://www.oecd.org/pages/0,3417,fr_36734052_36734103_1_1_1_1_1,00.html)

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