"Quand Brassens est mort, je n'ai pas honte de l'avouer à quarante ans passés, j'ai pleuré comme un môme. Alors que quand Tion Rossi est mort, j'ai repris deux fois des nouilles" Pierre Desproges
Pour changer en amour notre amourette Il s'en serait pas fallu de beaucoup Mais, ce jour-là, Vénus était distraite Il est des jours où Cupidon s'en fout
Des jours où il joue les mouches du coche Où elles sont émoussées dans le bout Les flèches courtoises qu'il nous décoche Il est des jours où Cupidon s'en fout
Se consacrant à d'autres imbéciles Il n'eu pas l'heur de s'occuper de nous Avec son arc et tous ses ustensiles Il est des jours où Cupidon s'en fout
On a tenté sans lui d'ouvrir la fête Sur l'herbe tendre, on s'est roulés, mais vous Avez perdu la vertu, pas la tête Il est des jours où Cupidon s'en fout
Si vous m'avez donné toute licence Le cœur, hélas, n'était pas dans le coup Le feu sacré brillait par son absence Il est des jours où Cupidon s'en fout
On effeuilla vingt fois la marguerite Elle tomba vingt fois sur "pas du tout" Et notre pauvre idylle a fait faillite Il est des jours où Cupidon s'en fout
Quand vous irez au bois conter fleurette Jeunes galants, le ciel soit avec vous Je n'eus pas cette chance et le regrette Il est des jours où Cupidon s'en fout
Du coup, m'a fait penser à Brassens, Les Passantes, - version en duo avec Maxime Le Forestier et un couplet en plus et sous-titrée en anglais: http://www.youtube.com/watch?v=nvmwmuycrDs
Je dédie ce lien à M. Ferrand, dont les cours sur Virgile, il y a 25 ans, m'ont soudain révélé que le latin était une langue, et la traduction une quête. "ET DIDO.... Vous le sentez, là, le mot molos ? ça pèse, c'est lourd, elle est malheureuse, là, Didon."
Je suis en train de découvrir Yasmina Reza, que sans raison j'avais mentalement cataloguée comme auteur mondain. En fait, j'aime beaucoup. Un petit air de Nathalie Sarraute dans Pour un oui, pour un non (aaah, joué par Trintignant et Dussolier, quelle merveille!), cette faille des êtres et des relations, où chacun se démmerde comme il peut avec sa vie, entre aspirations contradictoires. Avec toujours ce petit quelque chose à sauver même chez les moins spontanément attirants.
Extrait de L'Homme de hasard :
(Contexte grossièrement résumé: Dans un train, un écrivain se laisse porter par ses pensées, sur la vie et sur son oeuvre. En face, une femme se laisse porter par ses pensées, sur sa vie et sur un auteur qu'elle aime : lui. Elle avait commencé la lecture de son livre, mais doit-elle le sortir pour continuer sa lecture, avec l'auteur en face? comment engager la conversation ? ou pas ? Je saute direct au passage final:)
-- (Lui:) Vous ne voulez pas me parler de ce livre ? -- Puis-je vous en parler sans l'avoir terminé ? -- Oui. La fin, vous le savez, est sans importance. -- Eh bien... le livre me dit la même chose que cette photo de Prague au-dessus de vous... Il me donne, une fois de plus, la nostalgie de ce qui ne se déroule pas. La nostalgie de ce qui pourrait être. Est-ce qu'il parle d'autre chose ? -- Vous ne trouvez pas irritant ce ressassement? -- Si. Je ne lis jamais sans être irritée. C'est un écrivain profondément irritant. -- Ah oui. -- Vous aussi vous êtes irrité. -- Oui, oui, irrité, très irrité. Vous allez à Francfort?
(Un temps.)
-- C'est un écrivain irritant et, à mon avis, assez mineur. Vous avez tort de vous y intéresser. -- Irritant oui. Mineur non. Tout ce qu'on aime est irritant.
[...] Vous n'avez pas le droit d'être amer. En vous lisant, il y a eu mille instants comme des éternités. Et s'il faut que je me montre à la hauteur du diable qui m'a déposée dans ce compartiment, je dois vous avouer que je vous ai aimé follement et que dans une autre vie -- pour ne pas vous gêner -- je me serais envolée pour n'importe quelle aventure avec vous... (Il rit.)"